Anna Foka et ses lunettes de visée
Foka est précise. Nette. D’une précision quasi clinique, d’une netteté de franc-tireur assiégé. Foka s’assoit confortablement et fait un long clin d’oeil. Tout son passé devient présent, et son présent se dilue à l’intérieur de sa lunette de visée. Elle retient son souffle. Un massacre.
Foka est précise comme un rêve dont on ne se souvient clairement des détails qu’à quelques secondes d’un nouveau sommeil. Foka est nette, constante comme un champ magnétique. Ceci ne s’applique pas forcément au trait de ses tableaux, à leurs coloris ou à un rendu quelconque (éléments d’un langage pictural qui, lui aussi, sait très bien se rendre net quand il le faut), mais aux images elles-mêmes en tant que fonctions.
Disneyland (2006) reste greffée dans le cerveau du regardeur : une explosion mystique, totale, à la Zabriskie Point… Les violonistes diaphanes de Musical (2007) forment un orchestre de goules flottantes (des bienveillantes?), Kachina, l’esprit amérindien (2010), excite les démons autour des coups de crayon qui lui donnent vie, Bons baisers de Mars (2008) et Idyllique (2011) nous invitent à de longues contemplations truffées d’idées fixes, de chemins non parcourus, et de figures humaines lointaines, révolues, parfaites, marbrées. Images inoubliables, formes indélébiles.
Foka ne lâche pas. Elle ne se contente pas de «créer» des réminiscences visuelles, elle scanne perpétuellement le monde qui l’entoure et n’en retient que ce qui lui semble habité de substance. Tout doit pouvoir laisser une trace en elle, et tout ce qui n’en laissera pas, ne fera tout simplement pas partie de son globe. Le cadre est là, fixé tel un champ de tir. Foka vise en dehors et appuie calmement sur la détente. Elle réussit son tir, à chaque coup.
Makis Malafekas